Forum, dimanche 18 avril 2004, p. A10
D’un Canada à l’autre, La Presse
Une nouvelle avenue
L’ouverture d’une clinique IRM dirigée par des autochtones pourrait remettre en cause notre régime de santé
By Brian Lee Crowley
Recemment, Jeffrey Simpson a de nouveau fait observer dans le Globe and Mail ce que tout le monde sait, mais qu’aucun politicien n’oserait dire: le système de santé canadien bouffe le rare argent des contribuables à un rythme insoutenable. Il s’est demandé, sans trop se faire d’illusions, lequel des premiers ministres serait suffisamment brave pour dire que l’empereur est nu et pour lancer un débat sur la possibilité, pour les citoyens, d’échapper au monopole public en matière de soins de santé, monopole dont la performance est loin d’être reluisante.
La réponse à cette question pourrait en étonner plusieurs. Il se peut bien que cette initiative vienne non pas de nos chefs de gouvernement à Ottawa et dans les provinces, mais plutôt des chefs des gouvernements autochtones dans tout le pays.
Ainsi, la première clinique d’imagerie par résonance magnétique (IRM) dirigée par des autochtones doit ouvrir ses portes sur le territoire de la nation crie de Muskeg Lake, à l’est de Saskatoon, au printemps 2005. La clinique accueillera les citoyens des Premières Nations, les clients de la Commission de la santé et de la sécurité au travail et les patients aiguillés par les médecins.
Mais ce qui préoccupe de plus en plus les responsables du secteur public des soins de santé, c’est qu’ils découvrent que de telles cliniques sur les réserves ne peuvent vraisemblablement pas être sujettes aux législations provinciales qui servent principalement d’assises au monopole du secteur public en matière de soins de santé au Canada. Et dans tout le pays, les Premières Nations étudient les occasions qui s’offrent à elles en vertu de ce statut juridique particulier.
Une faille dans le régime d’assurance-maladie
Cette occasion convient parfaitement aux entrepreneurs d’un bout à l’autre du pays qui cherchent à trouver une faille dans le régime d’assurance-maladie qui permettra l’émergence d’une solution de rechange sous forme d’un secteur privé de soins de santé. Seule la venue d’une véritable concurrence, par laquelle les patients auront vraiment le choix de l’endroit où ils pourront bénéficier de soins de santé et par qui ils seront dispensés, est capable de sauver le système public. La concurrence s’accompagne de la nécessité de rendre des comptes parce que les gens peuvent indiquer leur désapprobation, en allant ailleurs, lorsque le service et la qualité ne sont pas à la hauteur.
Mais aujourd’hui, échapper à un service qui laisse à désirer est presque impossible à moins d’avoir les moyens de se faire soigner aux États-Unis. Il vous est impossible d’utiliser votre propre argent pour obtenir la plupart des services médicaux quelle que soit la douleur que vous pouvez ressentir et quel que soit le temps d’attente susceptible d’entraîner une détérioration encore plus marquée de votre état de santé. Étant donné que vous ne pouvez pas échapper au système, Ottawa et les provinces peuvent se chamailler et se blâmer réciproquement pour la détérioration du système de soins de santé en vous prenant pour otages. Et puisque personne au sein du système actuel n’est récompensé si vous êtes traité promptement ou efficacement, vous devez accepter ce que le système a décidé de vous proposer.
Mais imaginez que si, plutôt que de devoir prendre le chemin des États-Unis, vous traversez le pont vers Khanawake ou une autre réserve à proximité et vous vous rendez dans une clinique médicale moderne où les rendez-vous fixés signifient encore quelque chose. Et supposez que cette même clinique vous permette de consulter votre médecin par téléphone ou par courriel aussi bien qu’en tête-à-tête. Supposez aussi que cette clinique vous donne accès non seulement aux médecins sur place, mais qu’elle vous permette aussi de consulter certains des plus grands spécialistes dans le monde grâce à de la vidéoconférence depuis leurs bureaux à Londres, Houston ou Tokyo. Finalement, supposez que cette clinique ait conclu des contrats avec les organisations internationales d’attestation les plus exigeantes pour garantir la qualité des services.
De nombreuses personnes seraient disposées à payer de leur poche pour une telle commodité et des traitements rapides, et il pourrait bien y avoir au pays des entrepreneurs des Premières Nations disposés à explorer cette avenue. Quelques cliniques seulement à proximité des grandes villes canadiennes et les Canadiens se rendraient compte rapidement qu’un système privé parallèle ne signifierait pas la fin du régime d’assurance-maladie, mais plutôt l’émergence d’un service supérieur et la durabilité d’un système public qui serait alors en mesure de concentrer ses maigres ressources là elles sont vraiment nécessaires. Et mieux encore, pas besoin dans un tel cas de l’assentiment de ces lâches politiciens, qui contesteraient cette approche, mais qui ne pourraient rien faire pour l’arrêter.