D’un Canada à l’autre
Brian Lee Crowley
Cool, Montréal?
Une maison plus grande et une cour privée sont généralement synonymes de niveau de vie plus élevé
Richard Florida, gourou à la mode de la vie urbaine, était de passage à Montréal cette semaine, avec tout le brouhaha qui accompagne ordinairement une vedette des médias. Dommage que ce gars-là ne sache pas faire la différence entre la cause et l’effet dans ce qui rend une ville attrayante, dans ce qui incite les gens à vouloir y vivre. Et puisque ses idées influencent beaucoup de monde par les temps qui courent, le moment est propice pour examiner plus en profondeur ce qu’il dit.
Le fin mot de la théorie de Florida veut que ce qui assure la croissance des villes soit la classe créatrice: les jeunes, ceux dans le vent, les gais et les bohémiens. Et étant donné que ces personnes aiment bien les pistes cyclables, les vieux bâtiments et les lofts au centre-ville, c’est ce qui doit figurer dans le programme urbain sans quoi nous perdrons une population attirée par des villes plus cool.
Il est dans le vrai lorsqu’il affirme que les compétences sont une denrée très prisée, et les personnes qui possèdent les compétences les plus valables peuvent aisément s’installer dans la ville de leur choix. Mais Florida oublie que les endroits où les gens compétents souhaitent habiter comportent deux autres caractéristiques: l’étalement et le soleil.
Les statistiques démontrent que les gens déménagent vers des endroits plus secs et plus chauds dès qu’ils le peuvent. Et puisque les personnes plus compétentes ont plus de liberté de mouvement, elles se rassemblent dans de tels endroits, qui ont alors l’air cool. C’est une mauvaise nouvelle pour une province dont l’hymne national non officiel est Mon pays, c’est l’hiver. Cela nous laisse ” l’étalement “: un développement urbain de moindre densité et l’auto.
Deux préjugés
La formule de Florida pour la croissance urbaine repose sur les deux préjugés habituels contre la banlieue et l’auto. Mais c’est là une recette de déclin urbain et non pas de croissance. L’accessibilité au logement est moindre dans les villes densément peuplées que dans celles qui le sont moins. La densité de la circulation y est plus grande. Les frais du gouvernement local sont plus élevés.
À mesure que les gens deviennent plus fortunés, l’une des choses qu’ils souhaitent acquérir est souvent ceci: plus d’espace. Au cours du dernier siècle, la densité de la population a constamment baissé à New York et à Paris, comme dans la plupart des villes.
Cela est en partie attribuable à la voiture particulière. Grâce à ce moyen de transport, les gens n’ont pas à habiter près de leur lieu de travail ou du transport en commun, ce qui leur donne une plus grande liberté. Pour de nombreuses personnes, une maison plus grande et le fait d’avoir sa propre cour sont synonymes de niveau de vie plus élevé. Les banlieues des riches villes européennes ne sont guère différentes de celles de l’Amérique du Nord. Là-bas, les banlieusards utilisent autant leur auto que les Américains et quand ils optent pour les transports en commun, leur trajet est plus long, et non pas plus court, qu’aux États-Unis.
Automobile et souplesse
La voiture offre de la souplesse quant au moment de se déplacer et la possibilité de faire des détours, comme de s’arrêter au magasin en revenant à la maison. La voiture permet de transporter plus de choses qu’on ne pourrait le faire en autobus et en marchant, ce qui permet aux gens d’aller magasiner dans des supermarchés et des magasins à rabais plus loin de chez eux. La petite boutique et l’épicerie du coin ont été remplacées par des chaînes plus imposantes qui offrent un plus grand choix et de meilleurs prix, ce qui hausse encore le niveau de vie général. On peut transporter rapidement et en sécurité les enfants à leurs cours de danse, de natation et de hockey.